lundi 13 août 2012

(Québec) Bunker antinucléaire à Valcartier: hommes importants à l'abri!

Photo prise sur le site de La Presse.
On entre dans le bâtiment, dissimulé sous le gazon, par un court tunnel de béton.
L'intérieur, conçu pour accueillir 400 personnes, compte deux étages.


(Québec) Seuls les employés de l'État vraiment «essentiels», quelques militaires et des politiciens «utiles» en cas de catastrophe auraient pu franchir les lourdes portes métalliques. Bien sûr, le chef du gouvernement et le représentant de la reine du Canada auraient obtenu un laissez-passer. Mais tous devaient abandonner femme, mari et enfants derrière. Pas de place pour le superflu. Si l'alerte atomique avait retenti dans les rues de la capitale québécoise, une série de cortèges de voitures de fonction auraient filé vers Valcartier, au nord, vers le bunker toujours enfoui à deux pas de la guérite de la vaste garnison militaire.

Nous sommes en pleine guerre froide. La testostérone américaine et russe atteint des sommets de concentration: mon missile nucléaire est plus gros que le tien. En 1962, l'URSS pointe ses armes vers l'Oncle Sam depuis Cuba. Le Canada se prépare au pire.

«C'est le gouvernement de John Diefenbaker [1957 à 1963] qui a autorisé la construction d'un système d'abris antinucléaires», nous explique, par courriel, le docteur en histoire Andrew Burtch, spécialiste de l'après-1945 au Musée canadien de la guerre d'Ottawa. M. Burtch connaît très bien le sujet, d'autant plus qu'il vient de publier Give Me Shelter: The Failure of Canada's Cold War Civil Defence, un ouvrage traitant de cette période. Chacune des 10 législatures provinciales a donc reçu, entre 1961 et 1963, un cadeau du gouvernement fédéral: un bunker. La bureaucratie canadienne les appelait plutôt Sièges régionaux du gouvernement d'urgence (SRGU).

Visualisons: la bombe est en vol; les sirènes soulèvent la panique. Les limousines foncent sur l'autoroute Henri-IV. À bord, des hommes et des femmes utilitaires. Tous veulent s'engouffrer dans la structure aux murs de béton armé de 15 pouces d'épaisseur recouverte de terre gazonnée. «Les politiciens, les fonctionnaires et les militaires clés, chargés de conseiller le public en cas d'urgence nationale, y auraient été hébergés. Le premier ministre du Québec et le lieutenant-gouverneur auraient été les personnes les plus importantes à protéger. Tous les ministres qui étaient essentiels pour diriger la sécurité, la survie et les efforts de reconstruction y auraient aussi été hébergés», raconte M. Burtch. «Mais il n'y avait pas de place pour les familles dans le bunker. Jean Lesage [le premier ministre] aurait donc dû quitter sa famille.»

«Le bunker de Valcartier était destiné à abriter les principaux responsables du gouvernement provincial afin d'assurer la continuité du gouvernement. [...] La province de Québec comptait plusieurs cibles, certaines parmi les plus vulnérables au pays: Montréal et Québec», ajoute le chercheur. «Dans le bunker, les fonctionnaires auraient pu diffuser des avertissements et d'autres renseignements grâce à CBC/Radio-Canada, qui avait un centre de diffusion à l'intérieur. Afin que ces installations fonctionnent, elles devaient être atteintes rapidement, dès les premiers avertissements d'une attaque. Elles ont donc été construites à des endroits assez proches pour y arriver en voiture, en autobus ou en hélicoptère, mais assez loin pour que si une bombe nucléaire touchait la ville de Québec, par exemple, le bunker serait hors de danger.»

Dernier cri... en 1960

Ottawa n'avait pas distribué les abris antinucléaires aux provinces sans penser à s'en garder au moins un! La dizaine de «Sièges régionaux du gouvernement d'urgence» étaient donc reliés par un système de communication dernier cri au «Siège central du gouvernement d'urgence», le bunker quartier général enterré à Carp, en Ontario, à quelques kilomètres de la capitale canadienne.

Les fanas de technologies émoustillés à l'idée de découvrir les appareils «dernier cri» utilisés pour échanger entre les bunkers... seront déçus. Ce sont les années 60, l'avez-vous déjà oublié? On communique, lors des crises, par radio et par téléscripteurs. Disons qu'il ne faut pas que la bombe ait brisé les fils ou les antennes.

Ce super bunker central sera mieux connu par son petit nom : le «Diefenbunker». Le principal intéressé, le premier ministre fédéral John Diefenbaker, ne s'y serait toutefois pas réfugié. «[Il] aurait refusé de mettre les pieds dans le bunker de Carp», relate Andrew Burtch. «Il ne voulait pas laisser sa femme derrière lui. Dans un exercice télévisé de simulation d'une attaque nucléaire, lui et son épouse ont [d'ailleurs] été signalés "morts" dans leur abri antiatomique situé au sous-sol de la résidence du premier ministre à Ottawa.»

Dans l'antre du bunker

Une légende circule au sein des militaires de la Garnison Valcartier. Outre les deux étages «officiels» du bunker antiatomique de la base, deux autres niveaux, peut-être trois, seraient cachés sous la structure. Ils abriteraient des projets secrets de l'armée...

Désolé, nous n'avons pas vu les escaliers pour y descendre au cours de notre visite! Ils sont sans doute trop secrets. Nous avons toutefois constaté qu'il faut être sociable pour vivre dans un bunker. L'endroit a été conçu pour accueillir jusqu'à 400 personnes. On aurait entassé ces gens nerveux, sous le choc, qui ont été forcés d'abandonner leurs proches. Explosif.

On entre dans le bâtiment par un court tunnel de béton au bout duquel trônent deux grosses portes métalliques permettant de sceller l'abri en cas de contamination. À gauche, derrière une vitre, le poste de garde. À droite, la salle de décontamination et ses douches, nous montre le casernier Daniel Michaud, délégué pour nous guider dans tous les recoins du labyrinthe souterrain.

Jusqu'en 1995, l'accès au bunker était toujours «contrôlé». Il a ensuite été fermé durant six ans: «Les risques de guerre étaient moins grands. Ça n'a jamais servi.» En 2001, l'armée l'a rouvert, mais a changé la vocation du lieu.

L'étage du haut, le rez-de-chaussée, est principalement occupé par les 60 chambres du bunker où peuvent s'installer 156 soldats. Les occupants auraient dû accepter de partager leur couche; chaque chambre compte entre une et six places.

Au fil de nos pérégrinations, nous constatons que plusieurs des pièces modestes de la construction ont été transformées en bureaux. Nous arrivons finalement dans une vaste salle : c'était la cuisine. On devait conserver ici tout l'équipement, l'eau et les vivres pour que 400 «convives» puissent survivre durant au moins 30 jours sans contact avec l'extérieur. Les couleurs d'époque ont été conservées!

Derrière une des nombreuses portes de la pièce, Daniel Michaud nous fait découvrir un petit escalier en colimaçon, étroit, qui mène à une sortie discrète, sur le toit. Peut-être aurait-elle permis aux visiteurs arrivant en hélicoptère d'entrer rapidement. Il ne fallait toutefois pas souffrir d'embonpoint pour pouvoir y descendre.

«Quartier VIP»

«Il ne subsiste plus beaucoup de vestiges de l'époque», observe Patrice Filion, responsable de l'hébergement à Valcartier. Il faut imaginer les vieux hauts-parleurs au mur, les gros téléphones noirs à roulette accrochés un peu partout.

C'est à ce moment que nous sommes arrivés dans le «quartier VIP» aménagé au deuxième niveau. Certains ministres, le lieutenant-gouverneur et le premier ministre y auraient logé. Quelques chambres privées partageant les toilettes et les douches, de petites salles de travail... Les têtes de l'État, hébergées dans cette section, auraient eu droit à un peu plus de luxe que les autres rescapés. Cet espace historique est maintenant utilisé pour entreposer du matériel militaire, des télécommandes de jeux de simulation par exemple.

Une bonne portion des deux étages est toujours occupée par des salles mécaniques. L'air du bunker était recyclé, purifié par un énorme système de filtration, très bruyant. Le système électrique et le chauffage, qui devaient être autonomes, y étaient aussi. Certains équipements semblent toujours d'époque.

Allez, c'est le temps de regagner l'air libre. Sur le dessus du bunker, pas grand-chose, si ce n'est du gazon! Deux grosses antennes d'époque, et de plus récentes, pointent vers le ciel.

Ne vous présentez pas à la Garnison Valcartier pour visiter le bunker. Seuls les militaires et les employés civils de la Défense nationale peuvent y circuler. Lorsque vous passerez sur l'autoroute Henri-IV, peut-être pourrez-vous entrevoir la verdure du toit, à quelques mètres, derrière les arbres. À tout le moins, vous pourrez l'imaginer.

Les bunkers de l'ère Diefenbaker

Six Sièges régionaux du gouvernement d'urgence souterrains

- Debert, Nouvelle-Écosse

- Valcartier, Québec

- Borden, Ontario

- Shilo, Manitoba

- Penhold, Alberta

- Nanaimo, Colombie-Britannique

Quatre Sièges régionaux du gouvernement d'urgence construits au-dessus du sol

- Holyrood, Terre-Neuve-et-Labrador

- Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard

- Gagetown, Nouveau-Brunswick

- Regina, Saskatchewan

Un Siège central du gouvernement d'urgence

- Carp, Ontario

«Le trou» du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD)

- North Bay, Ontario

4 commentaires:

  1. Ancreur de Lumière13 août 2012 à 14:44

    Sans oublier celui situé à Saint-Raymond de Portneuf maintenant désaffecté. On peut même former des groupes pour le visiter.

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    1. oui j adore aller sur place c est drole de la maniere decrit du bunker de valcartier ca ressemble a celle de st-raymond meme genre d entrée!dommage quelle a ete abandonner par la ville ca aurait ete un beau musee j aurait adorer rentrer a l interieur!

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    2. oui j adore aller sur place c est drole de la maniere decrit du bunker de valcartier ca ressemble a celle de st-raymond meme genre d entrée!dommage quelle a ete abandonner par la ville ca aurait ete un beau musee j aurait adorer rentrer a l interieur!

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  2. Faudrait pas oublier MIRABEL!!!!
    Tres grand comme endroit souterrain.
    A+

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