jeudi 31 juillet 2014

Ebola : « En l'absence d'un vaccin, la conception d'un traitement est la priorité »

Directeur de recherches à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Hervé Raoul dirige le laboratoire P4 de Lyon, le plus important d'Europe consacré à l'étude des agents pathogènes dangereux et très contagieux. Ses équipes, qui travaillent dans des conditions de confinement maximales, ont révélé en avril, à partir d'échantillons en provenance de Guinée, que le virus qui se propage actuellement en Afrique de l'Ouest, est une nouvelle variante du virus Ebola connu en République démocratique du Congo et au Gabon.

Que savez-vous de cette nouvelle forme du virus Ebola ?

Hervé Raoul : La grande surprise a d'abord été de le trouver dans cette région d'Afrique. Jusqu'à présent, Ebola était resté cantonné à l'Afrique centrale, en particulier en République démocratique du Congo, en Ouganda, au Gabon. On peut maintenant penser qu'il était présent depuis plusieurs années dans les forêts guinéennes. Quand s'y est-il implanté ? Comment ? Nous ne le savons pas [dans des laboratoires militaires financés par des fondations privées?].

La recherche menée ces dernières années permet-elle de trancher sur l'origine d'Ebola ?

Nous n'avons pas de certitudes absolues, mais il existe des éléments forts pour dire que les chauves-souris sont le réservoir naturel de ce virus qui se transmet ensuite à l'homme principalement par le contact avec des grands mammifères – les singes en particulier. Il existe de bonnes probabilités pour que la transmission puisse avoir lieu directement à partir des déjections de chauves-souris. Quoi qu'il en soit, nous avons suffisamment de connaissances sur les mécanismes de transmission pour mettre en place les politiques sanitaires nécessaires pour contenir l'épidémie.

Quelles sont les mesures les plus efficaces ?

Il faut d'abord être en mesure de diagnostiquer. Nous ne disposons pas encore d'outils satisfaisants. Faute de débouché commercial, chaque laboratoire de recherches a développé ses propres instruments. Or nous avons besoin d'un outil de diagnostic simple, standardisé et fiable qui puisse être utilisé facilement dans des pays ne disposant pas, à ce jour, des capacités logistiques et humaines pour faire face à la situation. En attendant, nous travaillons avec des laboratoires mobiles que nous pouvons envoyer sur place grâce à des programmes de collaboration européens.

Il faudrait ensuite être capables de prendre des mesures fortes pour isoler les populations touchées ou les plus exposées. Cela n'est pas facile et nous nous heurtons à des obstacles culturels importants. A côté des équipes médicales, il faudrait des professionnels capables d'expliquer à la population pourquoi il est important d'accepter l'isolement et de renoncer par exemple aux contacts avec les défunts pendant les cérémonies mortuaires.

La recherche menée pour l'élaboration d'un vaccin progresse-t-elle ?

Plusieurs candidats-vaccins ont été réalisés aux Etats-Unis à partir de tests sur les animaux. Se pose maintenant la question des étapes suivantes. Les différents épisodes de l'épidémie ont fait un nombre limité de victimes. Or la mise sur le marché de vaccins – outre l'intérêt commercial que pourraient y trouver les grandes firmes pharmaceutiques – suppose qu'ils aient pu être testés sur des cohortes de malades de taille suffisante. Ce n'est actuellement pas possible dans le cas d'Ebola.

Quelle est la priorité alors ?

Elle est pour moi clairement dans la conception d'un traitement thérapeutique efficace. C'est pour l'instant tout ce que nous pouvons faire et nous n'en disposons toujours pas. Il faut pouvoir administrer aux malades un traitement qui permette de passer la phase aiguë qui dure quelques jours et qui se manifeste par l'apparition simultanée de tous les symptômes associés : fortes fièvres, diarrhée, hémorragies, même si dans l'épisode présent, il semble que celles-ci ne soient pas particulièrement présentes.

Pour y parvenir, il faudra consacrer plus d'argent à ces programmes de recherches mais il faudra aussi accorder plus d'aide aux pays frappés par l'épidémie pour qu'ils puissent mettre en œuvre les politiques sanitaires adéquates.

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