Les États-Unis et la Chine ont relancé leurs hostilités commerciales vendredi en annonçant chacun des droits de douane de 25% sur 50 milliards de dollars de leurs importations respectives, ruinant le « consensus » obtenu de haute lutte il y a moins d'un mois.
Les nouvelles taxes américaines, décidées pour compenser cette fois le vol de la propriété intellectuelle et de technologies américaines, seront imposées sur des marchandises « contenant des technologies très importantes sur le plan industriel » mais elles épargneront des produits populaires comme les téléphones portables ou les télévisions.
« Ma formidable relation avec le président Xi de Chine et la relation de notre pays avec la Chine sont importantes pour moi. Cependant, le commerce entre nos nations est très inéquitable, depuis très longtemps », a fait valoir Donald Trump, mettant fin à la trêve annoncée le 19 mai.
La Chine a aussitôt annoncé qu'elle allait riposter à l'identique. « Nous allons immédiatement prendre des mesures en matière de droits de douane d'une ampleur équivalente », a déclaré le ministère du Commerce.
Dans le détail, 34 milliards d'importations chinoises seront taxées à partir du 6 juillet, a précisé de son côté le Représentant américain au commerce (USTR) Robert Lighthizer, ajoutant que cela concernait 818 produits.
« Le second lot » de 16 milliards en valeur d'importations chinoises « sera soumis à un examen supplémentaire » qui comprendra une période de consultations et d'auditions publiques, a ajouté Robert Lighthizer.
Pékin a précisé que 34 milliards de produits américains, dont des produits agricoles, des voitures et des produits marins, seraient eux aussi taxés dès le 6 juillet.
Ces annonces ne sont pas une surprise puisque fin mai, la Maison-Blanche avait annoncé qu'elle préparait toujours des mesures punitives contre la Chine, malgré un « consensus » trouvé le 19 mai à l'issue d'âpres négociations d'abord à Pékin, puis à Washington. Elle avait alors fixé le 15 juin comme date butoir pour annoncer ces nouvelles taxes.
Le 19 mai, les deux pays avaient pourtant annoncé un accord de principe pour réduire de manière substantielle le déficit des États-Unis avec la Chine et avaient suspendu leurs menaces de mesures punitives respectives.
Vendredi, Pékin a annoncé qu'elle allait invalider ces accords.
Le déficit commercial au coeur du litige :
Le développement des relations commerciales avec la Chine s'est traduit par un creusement du déficit commercial des États-Unis.
L'an passé, ils ont enregistré avec Pékin un déficit pour les biens de 375,2 milliards de dollars en augmentation de 8,1 %. Ce déficit s'élevait à seulement 6 milliards en 1985 quand le département du Commerce a commencé à publier les données sur la balance commerciale.
Donald Trump s'est engagé lors de sa campagne électorale à réduire le déficit commercial, moyen, selon lui, de relancer l'emploi aux États-Unis surtout dans les régions les plus touchées par les délocalisations.
En 2017, les États-Unis ont exporté pour 130,4 milliards de dollars de marchandises vers la Chine, deuxième puissance économique mondiale. Ils ont importé dans le même temps 505,6 milliards de biens chinois, selon les statistiques du département du Commerce.
Dans les exportations américaines à destination du géant asiatique, figurent des avions civils Boeing et des équipements aéronautiques pour plus de 16,26 milliards de dollars, du soja représentant plus de 12,36 milliards, des voitures neuves ou d'occasions (10,52 mds USD) ou encore des microprocesseurs (6,07 mds).
De son côté, Pékin exporte vers la première économie de la planète une myriade de produits à commencer par des téléphones portables (70,39 mds USD), des ordinateurs (45,52 mds), des équipements en télécommunications (33,48 mds), des accessoires informatiques (31,6 mds), des jouets et jeux (26,77 mds) ainsi que des vêtements (24,1 mds) et des meubles (20,66 mds).
Contrairement aux marchandises, les États-Unis ont enregistré avec la Chine un excédent commercial pour les services de 38,48 milliards en 2017, selon les données du département du Commerce.
Il ne dispose pas de données récentes sur les échanges de services avec la Chine. En 2015, le département du Commerce faisait état d'un excédent de 32,9 milliards. De loin, les services les plus exportés étaient alors les voyages (30,17 mds).
Boeing évalue les dégâts potentiels
Les nouvelles taxes annoncées vendredi relancent la crainte d'une guerre commerciale, qui pourrait compromettre la croissance économique de la planète tout entière.
D'autant que l'administration Trump a ouvert d'autres fronts contre l'Union européenne et ses partenaires au sein de l'accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), le Canada et le Mexique. Ses alliés et partenaires commerciaux, frappés de taxes sur leurs importations d'acier et d'aluminium, ont d'ores et déjà annoncé des mesures de rétorsion et des recours auprès de l'OMC.
« La Chine ne souhaite certainement pas de guerre commerciale, mais en raison du comportement malveillant, nuisible et à courte vue des États-Unis, la Chine est obligée d'imposer des contre-mesures puissantes et de défendre de manière résolue ses intérêts nationaux », a argué le ministère chinois du Commerce alors que la Chine est frappée depuis fin mars par des tarifs américains sur l'acier et l'aluminium.
Aux États-Unis, l'élu républicain Kevin Brady, à la tête d'une des plus puissantes commissions parlementaires au Congrès, s'est dit « inquiet » de l'impact négatif sur « les industriels, les agriculteurs, les travailleurs et les consommateurs américains ».
Thomas Donahue, le président de l'influente organisation patronale US Chamber of Commerce, a, lui, mis en garde sur des pertes potentielles de centaines de milliers d'emplois.
L'avionneur Boeing, cible privilégiée d'une guerre commerciale, a indiqué à l'AFP qu'il évaluait désormais les dégâts potentiels après cette nouvelle escalade.
Ce regain de tensions intervient une semaine après que Donald Trump a préservé in extremis le géant chinois des télécommunications ZTE de sanctions américaines imposées en avril, qui ont mené ce groupe au bord de la faillite.
Ce revirement de l'administration avait provoqué l'indignation des Républicains au Congrès qui ont déploré que la Maison-Blanche s'en prenne à ses alliés plutôt que de viser la Chine.
La Maison-Blanche poursuit des objectifs contradictoires, observent des experts, puisqu'elle cherche à la fois un accord sur la Corée du Nord avec l'appui de Pékin et des concessions économiques chinoises pour réduire son déficit commercial.
Ces revirements ont malmené Wall Street qui a terminé en baisse vendredi.
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