Les études sur la grippe aviaire qui ont provoqué un différend entre la communauté scientifique et les experts en biosécurité témoignent de problématiques complexes, et il faut éviter que le débat ne se réduise à des termes simplistes par l'une ou l'autre des parties, estime un représentant de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Les deux camps sont à couteaux tirés depuis la suspension de la publication de deux articles scientifiques sur la grippe aviaire H5N1, les chercheurs criant à la censure tandis que les experts en sécurité plaidant les périls du bioterrorisme.
Dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne, le Dr Keiji Fukuda, de l'OMS, a prévenu qu'il serait dangereux de ramener le débat à ces quelques arguments, puisqu'une telle attitude évacuerait d'importants éléments qui doivent être pris en compte afin d'arriver à un compromis pour la suite des travaux.
Les articles litigieux expliqueraient comment des scientifiques des Pays-Bas et des États-Unis ont contraint le virus H5N1 à évoluer au point où il était facilement transmissible à des furets, un animal considéré comme le plus susceptible de prédire le comportement du virus chez l'Homme. À la suite d'une recommandation d'un comité d'experts en biosécurité, l'administration américaine a demandé aux revues Nature et Science de suspendre la publication de ces articles sur la grippe aviaire.
Le Comité américain consultatif sur la biosécurité a affirmé que ces articles ne donnaient ni plus ni moins que la recette pour transformer le virus H5N1 en une «arme bactériologique». Les scientifiques sont de leur côté particulièrement inquiets du fait que des craintes en matière de biosécurité puissent les empêcher de chercher, à l'avenir, des éléments de réponse pour savoir comment la grippe aviaire s'adapte pour passer à l'Homme.
Plusieurs acteurs, dont les revues scientifiques concernées et les principales agences de recherche biomédicale des États-Unis, planchent ces jours-ci sur un système qui permettrait de publier les conclusions des chercheurs dans un format abrégé, avec la possibilité d'obtenir plus d'information si nécessaire. Si les études devaient être publiées dans une telle version expurgée, il s'agirait d'une première dans le milieu des sciences de la vie, ont indiqué plusieurs observateurs.
L'OMS s'est impliqué dans le débat récemment afin «d'apporter un équilibre aux discussions», a mentionné le Dr Fukuda.
Cette implication est notamment liée au fait que l'OMS craint que la controverse actuelle - et tout impact que l'affaire pourrait avoir sur la recherche sur le H5N1 - puisse nuire aux efforts des quatre dernières années afin d'aboutir à un accord sur le sujet, appelé «Préparation en cas de grippe pandémique: cadre pour l'échange de virus grippaux, l'accès aux vaccins et autres avantages».
Le cadre a été approuvé en mai dernier lors de l'Assemblée mondiale de la santé - le conseil de direction de l'OMS - et prévoit un réseau de surveillance international des virus présentant un risque de pandémie. En contre-partie, les pays auront accès à une série d'avantages, dont des vaccins contre l'épidémie ou des fonds de compagnies pharmaceutiques pour financer les activités de surveillance.
L'OMS craint par ailleurs que la tendance à percevoir la controverse à travers un seul prisme - celui de la censure contre le bioterrorisme par exemple -, ne rendra pas justice à toutes les autres questions auxquelles il faut répondre sans tarder.
Parmi celles-ci, on s'interroge sur la marche à suivre après avoir constaté l'existence du virus. Le Dr Fukuda reconnaît également que la recherche sur des virus modifiés doit être faite sur des animaux afin de vérifier l'innocuité des vaccins. «De prime abord, cela semble correct. Mais qu'allez-vous faire avec cela? Comment allez-vous le faire? Est-ce que le processus a été analysé?», a-t-il souligné.
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